Analyse Moto Revue réalisée le 01 Mars 2001
Toujours fraîche la Honda CB 500 !
Huit ans de service et pas une ride. Moto Revue a acquis une Honda CB 500 en 1993. Depuis lors, elle a subi
les pires outrages pour atteindre vaillamment le cap des 150 000 km. Son moteur d'origine et durement
sollicité affiche une fraîcheur qui nous glace encore les sangs. Démontage en règle d'une increvable ...
Par Daniel Dubois. Photos JAM, Dubois et archives MR.
Fin 1996, notre Honda CB 500 avait été entièrement démontée pour le passage de ses 100 000 km. Elle y réussit
brillamment son examen d'usure, prouvant ainsi sa robustesse. Son premier démontage complet à 50 000 km avait
révélé une mécanique fraîche comme une rose, ce qui avait entraîné la décision de lui doubler la dose aux mains
des essayeurs de Moto Revue. A 100 000 km, le moteur a été remonté avec une chaÎne de distribution et des pistons
neufs, et c'est tout. Notons qu'il aurait pu continuer longtemps avec ses pièces d'origine, mais comme le but était
de faire de la petite japonaise une "bonne à tout faire" au service de Moto Revue puis de L'Intégral, elle eut droit
à quelques aménagements. Aujourd'hui, elle affiche l50 57l kilomètres, mais elle en totalise en réalité quelques
milliers de plus, ayant roulé avec l'entraÎnement du compteur défectueux.
La surprise du cadre
Votre serviteur ne l'a pas pilotée depuis quatre ans, et l'emmène, chez Honda France, pour assister à ce qui
sera peut-être son dernier démontage complet, pendant lequel toutes les mesures d'usures seront notées. La bestiole
affiche une forme superbe. Elle démarre au quart de tour, tourne rond et ne consomme qu'environ 0,5 1 d'huile
aux 1 000 km. L'oreille du technicien relève un léger cliquetis au ralenti, qui disparaît dès que l'on débraye.
Quoi de plus normal ! L'embrayage a pris un peu de jeu, il est entièrement d'origine. Un détour virtuel, par une
autoroute allemande, montre qu'elle attrape 180 km/h compteur sans effort, le pilote assis droit comme un i.
La stabilité à vitesse soutenue est très bonne, prouvant que la partie-cycle est encore saine. La fin de la dépose
du moteur est un poil laborieuse et cela en raison d'un axe support qui renâcle à quitter sa place. Il est certes
un peu grippé, mais surtout faussé. Nous constatons, en effet, que le tube inférieur droit du cadre est tout
simplement cassé entre les deux axes supports arrière du moteur. La raison de cette "fracture" est simple :
notre CB 500 fut équipée de pare-carters en tubes d'acier fixés au cadre. Ce sont les chocs répétés dus aux chutes
qui ont provoqué cette rupture. Ce phénomène est connu des moto-écoles, lesquelles utilisent, à juste titre, des
pare-carters. La Honda avait une tenue de route saine car les deux fixations moteur immobilisaient cette fracture
de chaque côté, empêchant le tube de bouger. L'autre berceau, boulonné et démontable pour laisser sortir le moteur,
n'a pas bougé.
Les tripes fraîches à l'air
Avant même l'ouverture moteur, le démontage du tendeur automatique de chaîne de distribution nous révèle qu'il
est à peine à mi-course. C'est un fait très rare de constater qu'une chaîne de type Hy- Vo, dite aussi "Morse"
ou "silencieuse", est capable de subir autant de kilomètres sans avoir besoin d'être remplacée. Habituellement,
cette opération se révèle nécessaire à partir des 50 000 km, ou moins selon l'usage de la moto. Le démontage de la
transmission primaire, et donc de l'embrayage, nous montre que le métal de la cloche et de la noix est bien marqué,
les "oreilles" des disques ont fait leurs marques à force d'y travailler. C'est ce jeu entre disques, cloche et
noix qui provoquent le cliquetis au ralenti, lequel disparaît en débrayant. Les disques garnis, qui sont d'origine,
ont enfin daigné perdre de l'épaisseur. A 100 000 km ils étaient encore dans les valeurs d'épaisseur d'un disque
neuf. Là, 0,15 mm sont partis (au maximum) au cours des quatre dernières années de carrière qui viennent de
s'écouler. Précisons, qu'à ce moment-là, nous avions été stupéfaits de constater que ces disques n'avaient rien
perdu entre 50 000 km et 100 000 km. Après analyse, nous en avions trouvé la raison : l'huile Honda contient des
additifs anti-usure, dont le bisulfure de molybdène qui se greffe volontiers sur les garnitures des disques. Or,
depuis ce cap des 100 000 km, l'entretien, moins rigoureux que par le passé, n'incluait pas systématiquement de
l'huile Honda. Les ressorts d'embrayage se sont tassés, mais d'après leurs cotes, ne demandent pas encore à être
remplacés. Le déculassage conduit à l'examen des arbres à cames, des soupapes, de leurs sièges et de leurs guides.
Tout ce petit monde a subi des mesures en règle. De visu, leur état n'appelle aucun reproche : jamais un mécanicien
ne pourrait soupçonner que 150 000 km ont été avalés. Les diamètres des tiges de soupapes n'ont pas bougé par
rapport à 100 000 km, les soupapes repartiront pour le service. Les alésages des guides des soupapes d'admission ont
perdu 0,01 mm en 50 000 km, ceux d'échappement frôlent ou dépassent la limite d'usure, alors qu'ils étaient
parfaits au précédent démontage. En effet, c'est à cet endroit que, par la chaleur des gaz d'échappement, les
contraintes sont les plus fortes. Ceci dit, la baisse de qualité de l'huile utilisée n'y est pas pour rien. Les
arbres à cames ne portent aucune trace de fatigue, à part quelques micro-rayures indétectables au toucher, que nous
avions observées dès 50 000 km. Le diamètre des tourillons n'a toujours pas bougé : 24,96 mm partout. Les cames sont
splendides, les hauteurs de celles d'admission sont identiques aux 100 000 km, celles d'échappements ont grignoté
0,01 ou 0,02 mm (négligeable).
Pistons en bonne santé
L'ouverture complète du moteur dénote, par la couleur interne des carters, que d'autres huiles que la Honda sont
passées par là (certaines huiles teintent le métal, d'autres pas). Tout comme pour les arbres à cames,
les portées de vilebrequin sont marquées par de très fines rayures déjà observées. Les pistons et cylindres ne
présentent plus les résidus de combustion que nous avions découverts à 100 000 km et qui devaient provenir de la
mauvaise qualité de l'essence africaine. Tout est soigneusement mesuré. Les deux pistons font 72,98 mm de diamètre.
Finalement, les utilisateurs de ces derniers 50 000 km ont été moins méchants que les essayeurs MR de la première
heure, puisque les anciens pistons faisaient 72,96 à 50 000 km et à 100 000 km. Les cylindres ont réussi à grignoter
0,01 à 0,02 mm en 50 000 km, leurs conicités ne dépassent pas 0,02 mm. Ces valeurs sont bien loin des limites
d'usure, elles ont à peine dépassé les tolérances d'origine d'un moteur neuf. Les jeux à la coupe des segments
ont légèrement dépassé les valeurs standard d'un jeu neuf. Il est vrai qu'ils n'ont "que" 50 000 km. Les coussinets
de bielles sont comme neufs. L'équipage mobile (vilebrequin, bielles, carter) a eu droit à la méthode du
"plastigage". C'est un vermicelle en plastique, parfaitement calibré, qui est placé sur la portée à mesurer.
Les pièces sont assemblées et serrées au couple précis. Au démontage, la largeur du plastique écrasé révèle le
jeu de fonctionnement entre les pièces. Première constatation : le jeu des têtes de bielles sur les manetons de
vilebrequin n'a pas bougé. Impossible de parler d'usure. En revanche, le jeu entre les tourillons de vilebrequin
et les paliers des carters est à la limite d'usure.
Résistante et amusante
Moralité, des coussinets de tourillons neufs seront posés, mais pas de coussinets de bielles neufs. Pour ce qui
est de l'usure des paliers, on peut considérer qu'il est normal qu'à 150 000 km, ce moteur en présente enfin.
La pompe présente toujours des rayures que nous avions vues à 50 000 km et qui venaient d'un petit copeau d'acier
planté dans le rotor central. Seul le jeu de fonctionnement entre rotor et corps a augmenté de 0,02 mm depuis
les 100 000 km. Et la boîte de vitesses ? Frustrant... Rien à critiquer, on pourrait se demander pourquoi elle
est démontée. Les tétons de commande des fourchettes présentent 0,02 mm d'ovalisation. Les fourchettes de boîtes
sont impeccables. Lors de la présentation de la CB 500, nous avions trouvé un peu fort d'entendre, de la part de
Honda, que le moteur avait été testé sur 300 000 km et qu'il avait tenu le coup, d'où la relève du défi par nos
soins. Maintenant, personne ne se plaindra qu'une moto "bonne à tout faire", et même à s'amuser car elle n'est
pas triste, soit aussi fiable et résistante à l'usure. D'autant que le budget d'entretien est loin d'être ruineux.
Finalement nous avons atteint la moitié des objectifs fixés par les ingénieurs Honda. Avec encore 150 000 km à
réaliser, l'aventure continue.