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Essai Moto Revue réalisé le 10 novembre 2005
Le choc des cultures
La Honda CBF 500 voit la Hyosung Comet 650 venir piétiner ses plates-bandes. Une japonaise serviable et efficace
à 6 400 euros face à une coréenne vigoureuse et au look énergique à 5 685 euros : la différence
vaut-elle le coup ?
Par Christophe Le Mao. Photos Bruno Sellier.
« Tiens, une Hyosung ! », s'exclame un passant - sans doute motard -lors d'une séance de photos statiques au bord du
lac des Settons (Côte d'Or). Il est vrai que partout où l'on va, la coréenne interpelle. Pas vraiment nouvelle - elle a
d'abord été importée par la société DIP fin 2003, puis par la SIMA depuis le 11 mars 2005 -, elle éveille la curiosité
par son exotisme et sa rareté, davantage que par son look dans l'air du temps (façon Suzuki SV 650). Une pause au feu,
un arrêt à la boulangerie et les questions fusent : « Elle est fiable ? Ça marche bien ? Elle est faite par Suzuki ? »,
on en passe et des meilleures. Autant d'interrogations qui reviennent sans cesse dès qu'une nouvelle marque surgit dans
le monde motocycliste. Il faut savoir que Hyosung est un géant industriel en Corée, où l'usine produit des motos depuis
1970. De ses chaînes de production sortent des petites cylindrées utilitaires de 100 ou 125 cm3 - sur lesquelles les
paysans locaux grimpent à trois avec leurs cages à poules -, des scooters et plus récemment, des moyennes cylindrées
à monocylindre ou bicylindre.
La Comet 650 est en quelque sorte le fleuron de cette gamme. La ressemblance avec la Suzuki SV 650 ancienne génération
est frappante, sans parler de l'architecture mécanique, qui reprend les grandes lignes du twin en V de la Suzuki. La
finition n'est cependant pas au niveau des motos nippones. Les surfaces métalliques ne sont pas aussi bien traitées et
certaines soudures sont grossières. Le tableau de bord et les commandes présentent un aspect un peu vieillot. A l'opposé,
le cadre en acier à poutre dédoublée fait sérieux et la fourche inversée de 41 mm en impose. De son côté, la Honda CB 500,
en devenant CBF 500, a pas mal évolué. La partie cycle a été retouchée (jantes plus larges équipées de pneus radiaux,
cadre acier en épine dorsale comme sur la Hornet) et le moteur a reçu un traitement dépolluant avec un échappement
catalysé. Grâce à ses clignotants intégrés dans la coque arrière et son tableau de bord avec lucarne numérique, l'ensemble
a pris un coup de jeune. L’esprit basique demeure et peu de motos peuvent se vanter d'être aussi faciles à appréhender
que la CBF 500 : c'est un gros vélo avec des commandes intuitives. Notre version d'essai comportait en plus l'ABS, ce qui
porte son prix à 6 400 euros, mais les services rendus par l'antiblocage sur le "gras mouillé" valent le surplus. Les
terres de Bourgogne ont une fois de plus servi de théâtre à notre comparatif. D'Avallon au lac des Settons, en passant
par Nuits-Saint-Georges jusqu'à Beaune, le flanc des pneus a souffert.
Quand le bitume se montre lisse, la Hyosung se défend plutôt pas mal. Pourtant, la forme du guidon déconcerte au début. Ensuite,
le léger appui permet un bon guidage de la machine, même si la direction n'est pas ultra précise. La rigidité du cadre
l'empêche de flotter et les pneus sport (des Bridgestone BT 56) font le reste du boulot. Nantie d'une bonne garde au sol,
elle permet de s'amuser, mais demande une plus grande concentration que la Honda. Car le temps de la CB 500 Cup - une formule
de promotion au sein de laquelle s'illustraient les petites Honda - n'est pas si loin. Equipée de pneus radiaux (ici des
Michelin Pilot Road), la CBF 500 entre en courbe avec facilité grâce au bras de levier de son grand guidon. Le cadre en épine
dorsale apporte rigueur et nervosité au châssis. La moto ne s'incline pas avec la sensation "tout d'un bloc" d'une Ducati, mais
c'est pas mal quand même. Le point fort provient des suspensions Showa. Fourche et monoamortisseur offrent une lecture saine
de la route et absorbent les imperfections sans désunir la moto (école). C'est en enroulant rapidement sur une portion bosselée
que l'on saisit l'écart entre la Hyosung et la Honda. La japonaise digère les trous, avale les bosses, suit la trajectoire imposée
et motrice de façon impériale en sortie de courbe. Certes, ce ne sont pas ses 54 ch qui perturberont la conduite, mais la rigueur
est au rendez-vous.
La Hyosung, malgré des suspensions réglables en hydraulique, ne peut rivaliser en terme de précision. Elle rebondit sur les bosses
et il est plus difficile de guider le train avant, qui a tendance à pomper. Et ne comptez pas sur les freins pour recoller la CBF !
Les deux disques de 300 mm mordus - pas très fort - par les étriers (TCIC !?!) demandent toute la poigne de vos quatre doigts. Anticipation
obligatoire. A côté de cela, l'étrier doré à trois pistons Nissin de la CBF propose un freinage en or : pas brutal à la prise du levier,
sa puissance croît quand on tire dessus et permet un freinage dégressif lors des entrées en courbe. Avec l'option ABS, le feeling reste
impeccable et l'on ne perçoit le déclenchement du système que lors des freinages appuyés sur les bosses (le capteur, ayant du mal à
gérer les pertes de contact de la roue avec le sol, relâche la pression à tout bout de champ). Finalement, la Comet attend les bouts
droits pour repasser devant. Le bicylindre en V à 90° de 647 cm3 possède une bonne allonge et le gavage par carburateurs lui confère
un caractère rageur. Les km/h grimpent en flèche et seule la boîte assombrit le tableau. Un peu ferme sur notre machine d'essai à
peine rodée (720 km), elle sautait entre le premier et le deuxième rapport. Dommage, car le moteur Hyosung possède une bonne base. Celui
de la CBF fonctionne comme une horloge. Vibrations présentes mais pas usantes, couple correct, souplesse suffisante, boîte de vitesses
remarquable... Malheureusement, le moteur semble avoir souffert de la dépollution. Les montées en régime semblent retenues et la CBF, sans
être devenue fainéante, demande à prendre de l'élan pour affronter les grandes courbes. Au moins, tout le monde peut aborder la Honda
sans se faire peur et c'est bien l'essentiel pour une moto de débutant. La CBF s'apprécie donc au fil des jours grâce à ce caractère
policé façon "scout' toujours prêt".
Alors, que choisir entre une coréenne pas triste et une japonaise fidèle ? L’écart de prix - ici quelque 715 euros avec la CBF 500 en
version ABS - prêche en faveur de la Hyosung, mais l'essai dynamique, en revanche... Malgré un moteur plutôt convaincant, la partie
cycle pèche par un manque de rigueur général. Les périphériques (freins, commandes, rétros baladeurs) ne rivalisent pas en terme de
qualité avec les éléments de la Honda. Moralité, fabriquer une moto homogène de bout en bout reste encore aujourd'hui une mission
d'expert. Mais nous devrions nous habituer à ces nouvelles machines venues d'autres contrées que le Japon. Construites en Thaïlande,
en Chine ou en Corée, ces motos assemblées à moindre coût et offrant une qualité de fabrication en rapport pourraient prendre une
part grandissante dans l'échiquier du marché. Une future Hyosung 1000 roadster jouant placé dans les meilleures ventes en
2010 ? Pourquoi pas.
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La CBF 500 affiche une ligne passe-partout. Le confort à bord permet de rouler un plein sans fatigue.
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Le tableau de bord possède deux trips partiels et la température moteur. Lisible, il ne lui manque qu'une jauge à essence.
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Le twin parallèle de la CBF est un ogre de robustesse. Alimenté par carburateurs, il pourrait recevoir
l'injection pour passer les normes futures.
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Ressemblant à l'ancienne Suzuki SV 650, la Comet 650 est assez bien assemblée, eu égard à
son prix de vente et sa cylindrée. Reste la qualité moyenne de certains composants.
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Plutôt agréable à lire, le tableau de bord fait quand même un peu vieillot. Le voyant de "demi-plein" est
astucieux, à défaut d'une jauge à essence.
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Le bicylindre en V refroidi par eau ressemble à celui de la SV 650 première génération. Avec 72,4 ch
mesurés au banc, la mécanique Hyosung ne fait pas semblant. Son silence de fonctionnement est satisfaisant.
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