On a fait le Bol Dehors !
Dossier Moto Revue réalisé le 24/09/09
A MR, on ose... Cette année, nous avons revisité le concept d'endurance. Et plutôt que le Bol d'Or, on s'est
fait le "Bol Dehors" ! Point de circuit au programme mais un itinéraire nous promenant dans le village de Magny-Cours
et ses environs... 24 heures scotchés à notre CB 500 affichant crânement 350 000 km, mais
aussi à une Kawasaki ER-6n pas encore sevrée, le tout en duo... Si ça, c'est pas du concept...
By Trac. Photos Flavien Bonanni.
Un circuit champêtre
De Magny-Cours à Magny-Cours, mais en passant par Les Raguet, Decize, puis Imphy, et tout un tas de petits bleds... Un circuit
d'une soixantaine de kilomètres au milieu de ce département nivernais (58) qui fleure bon les bocages, les points
d'eau, l'élevage et les grands prés. Et à la nuit tombée, bien plus que les tracteurs, les camionnettes
ou les voitures, ce sont les animaux que l'on croise... Heureusement pour nos miches, on n'a fait que les croiser...
Je suis certain que ça vous est déjà arrivé, certain ! Vous savez de quoi je veux parler, de cet
emballement qui nous pousse parfois, dans le feu d'une discussion et devant un auditoire attentif, à ouvrir notre caquet avec
bien trop de légèreté, sans mesurer, au moment où les mots s'échappent, que ceux-ci vont composer
une phrase qui aura un sens et qui, fatalement, volera jusqu'aux oreilles d'une assistance réceptive ou non... Ben le truc
couillon, c'est que l'assistance justement, elle a été super réceptive. Et pourtant, à y
réfléchir 2 secondes, l'objet de la discussion avait de quoi faire un peu peur : "Et si on se faisait le Bol
à Magny-Cours, mais pas sur le circuit hein, à Magny-Cours même, on roulerait 24 heures, et en duo... sans
dormir donc, on alternerait simplement les rôles. Chacun son tour serait pilote puis passager." Vous savez ce qu'ils m'ont
répondu mes chers zigs ? "C'est top !".
Difficile de reculer alors, surtout qu'un instant plus tard, le projet fut définitivement
entériné lorsque Béber Gold proposa de le faire avec "Mémé", notre
CB 500 joliment fringante qui porte fièrement ses 350 000 kilomètres au moteur, mais aussi avec une
ER-6n façon jeune pousse, simplement parce qu'elle partage la même architecture mécanique, à savoir un
twin vertical. A voir s'exciter la bande MR comme de jeunes boucs en rut dans mon bureau, je décide alors de les virer illico
avant qu'ils ne s'usent les cornes à force de se frotter, ou pire, qu'ils en viennent à souiller ma moquette. Rapidement
décidée (vendredi 4 septembre vers 13 heures), rapidement montée et organisée, l'opération
"Bol Dehors" imposa à Béber, chef mécano (et d'ailleurs seul mécano du team), de tripoter
Mémé durant tout le week-end précédent. Le rendez-vous était programmé mercredi 9 septembre,
en fin de matinée, à Magny-Cours. La troupe se réunit finalement à 15 heures, à la bourre quoi,
comme d'hab'. Le temps de trouver le spot où l'on établira à la fois notre camp de base et notre stand, de sortir
le matos, de s'équiper, il est déjà plus de 16 heures. Reste encore à constituer les deux
équipes, désigner les deux binômes qui partiront 24 heures durant la même selle, intervertissant
simplement le rôle de pilote et passager tout au long de la folle ronde qui se profile. En partant de folles justement. Il a
suffit de voir le regard de braise que se lancèrent Rocco et Yinyin pour comprendre que la deuxième équipe serait
composée du jeune Julien et de ma pomme. N'ayez crainte les gars, les idylles naissantes, même si certains les
considèrent un peu contre nature, moi je ne juge pas. En revanche, les commenter.
Bref, harnachés dans nos cuirs comme pour aller au combat - ou dans des soirées
très spéciales -, nous choisissons nos montures respectives.
Juju et moi optons pour le CB 500, concentrés que nous sommes sur le sujet, et parés à respecter le protocole
ainsi qu'à lui témoigner toutes les petites attentions que l'âge certain de notre monture (1993) ordonne. Sûr
qu'à côté, les deux tourtereaux risquent de se focaliser sur un tout autre sujet. Alors autant leur confier la moto
moderne. Juste avant de partir, un éclair de professionnalisme traverse pourtant le cerveau retourné de Rocco :
"Ah ! Au fait, faut penser à faire le premier test mémo-technique, ça nous permettra de juger de notre
état de fatigue tout au long de l'épreuve." Toutes les 3 heures. Voilà le rythme recommandé par la
clinique du sommeil, que Rocco avait préalablement contactée, pour espérer tirer un enseignement de cette
expérience. Comment notre corps va-t-il réagir face à la fatigue ? Et quelle sera l'incidence de cette
dernière sur notre comportement au guidon, ou même à l'arrière ? Sur le premier test Rocco nous met une
grosse volée. Du genre de celui qui a appris les symboles en douce. Yinyin, lui, est en panne. L'attraction du + et du -, c'est
une loi mathématique.
17 h 30? Le départ est donné. Mais une nouvelle fois, notre organisation que l'on peut qualifier soit
d'aléatoire, soit d'évolutive, selon que l'on soit tendance "psychorigide" ou "baba cool", nous oblige à nous
arrêter devant une carte détaillée de la région pour décider de notre itinéraire. Pendant que
Julien, Yinyin et moi évaluons les différentes options, à 5, 6 mètres de nous, il me semble entendre
maugréer Rocco : "Qu'est-ce que c'est que ces fiottes... Qu'est-ce qu'on attend pour rouler... Z'ont rien dans le gilet..." Sa
complainte sonne comme une jolie musique, t'inquiètes, ça va être long 24 heures Rocco, ça va être
long.
Cette fois tout est OK ! Sur notre tracé exclusivement routier, nous longerons le circuit en baptisant les virages qui le
contournent. Ainsi, il y a "la grande courbe fuck Guillotin !" (aux rails doublés), "le rond-point du merdier" (rapport au
trafic), "la chicane aux bleus" (aux gendarmes si vous préférez), le gauche de "l'entrée générale où
l'on entre pas", et enfin le virage des "Wisigoths et des Huns" (le camping Est). S'ensuit ensuite une traversée de nombreux
bleds. Des secteurs pavés, des routes défoncées, des virages ultra-serrés comme des lignes droites interminables,
rien ne nous sera épargné sur notre parcours. Une boucle de 60 kilomètres qui nous baladera de Magny-Cours à Decize, en
passant par Imphy, Saint-Parize-le-Chevenon, etc. Sur notre CB 500 avec le Juju, peinard, on sifflote en gérant notre effort.
Finalement encore mieux conservée que prévue, la CB 500 se laisse mener comme une jeunette. Bien installés, on
enchaîne, sans broncher. Prenant le temps de soigner les photos, rejoignant la ligne droite du stand avant de nous y arrêter
pour boire un petit canon, le temps que Béber s'occupe de rassasier nos belles du soir. Car cette fois les enfants, c'est la nuit. Et
ce qui semblait un défi un peu stupide prit rapidement des allures de grand n'importe quoi. Parce que si les démographes nous
expliquent que la Nièvre n'est pas un département très peuplé, il faut comprendre en humains. Car côté
bestioles, là, il y a ce qui faut. Ce n'était pas les départementales qu'on éclairait, c'était le bestiaire
illustré. Si je ne dois lister que ceux qui passèrent au milieu de notre faisceau de phare pourtant un poil mou, je
dénombrerais : trois renards, un ragondin sûrement croisé avec un kangourou, deux chevreuils, une biche et pompon des
pompons, deux sangliers obèses. Le flip. Et ça, c'était pour les vrais animaux. Parce qu'après, il y a ceux qu'à
vus Rocco. En fait, ça a commencé pour lui vers 3 heures du matin. Jusque-là, le couple Rocco/Yinyin semblait filer le
parfait début d'amour. Roulage collé/serré, changements incessants de rôles entre pilote et passager, selle
siliconée par Béber à la demande des amoureux transits, on se disait que 24 heures seraient avalées comme
qui rigole.
Eh non hélas, la fatigue de la nuit entraîna les premiers nuages dans un ciel pourtant étoilé. La fatigue, elle,
tomba comme une chape de plomb sur Rocco. Fallait les entendre tous les deux, Yinyin accuser Rocco de s'endormir au guidon, Rocco
démentir mollement (mais la soirée avait été longue), et nous de regarder ce jeune couple partir déjà
à la dérive. Tristesse. Dans la nuit, faut dire qu'on a enchaîné les itinéraires bizarres, rallongeant le
parcours initial, et partant vagabonder dans l'Yonne et le Cher. Ou même l'étrange. Je me souviens leur avoir fait une petite
blague, au moment de tourner vers la ligne droite du stand aux alentours de 4 heures du mat', décidé au dernier moment
de continuer notre fuite en avant, pour l'interrompre sur le chantier d'une autoroute en construction. Le dialogue qui suivit résonne
encore dans mes oreilles. Moi taquin : "Quitte à évoluer dans l'absurde, autant y aller jusqu'au bout. J'irais bien voir
jusqu'où on peut rouler par là !" Rocco, sur les nerfs : "Ben, on rentre pas au stand là ? On a un test
` faire, ça fait 3 heures qu'on est parti !" Moi, amusé : "Non, seulement 2 h 30, Rocco !
Reste 30 minutes." Je scrute son air décomposé, me retourne vers Julien, impassible (ou dormant les yeux ouverts, je sais
plus trop), et devant le regard éteint de Yinyin, décide de ramener la troupe une demi-heure avant terme. C'est un peu plus tard,
lors de notre aller à Bourges, que Rocco perdit définitivement la raison, sur le coup des 5 h 30 du matin (mariole à
17 h 30, vérole 12 h plus tard). Il nous avouera, deux jours plus tard, avoir été victime d'hallucinations
qui transformaient les arbres en dinosaures. L'avait le carafon fatigué le loulou. Un T-Rex dans le chêne, un diplodocus qui
dépassait de la haie, un tricératops coincé dans le platane.
Devant la fatigue générale des troupes, et en adjudant à peu près responsable, je décidais de nous octroyer
un temps de repos. Il dura un peu plus de deux heures, de 6 h 30 à environ 9 h. Deux grosses heures salvatrices, qui nous
permirent de remonter en selle et de continuer notre quête absurde. Rouler pour appréhender la fatigue, essayer de prendre en
défaut Mémé qui ne connut pourtant aucun, mais vraiment aucun problème tout au long de cette épreuve, mettre
de l'essence sans autre obligation que de la brûler, y'a plus malin hein ? Ben p'têt mais on avait signé pour ça,
alors on est allé au bout, ou presque.
Déroulant tranquillement toute la matinée, on décidait finalement de tricher
et de s'arrêter à la vraie heure ! Celle qui matérialise officiellement les courses de 24 heures. A 15 heures
plus ou moins pétante donc, nous rendons les armes. Les premiers bruits des essais du Bol d'Or parviennent jusqu'à nos oreilles
depuis le circuit de Magny-Cours, le vrai. On décide qu'il est grandement temps d'aller y jeter nos yeux, car dans l'état de
fatigue où l'on se trouve, on se dit qu'il est le seul spectacle à pouvoir les maintenir bien grand ouvert.
Enfin ! Miss CB a eu droit à son tour sur le vrai circuit vendredi soir, avec 150 lecteurs.